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Tribune de Marie-Josèphe LAURENT, Bâtonnière du Barreau de Lyon et Gilles SABART, président de la Commission Compliance du Barreau
Une Commission Compliance au barreau de Lyon : le collectif au service de l’éthique !  

À celles et ceux qui pourraient penser que la compliance c’est à Paris ou dans les gros cabinets de conseil qu’on en fait, le barreau de Lyon tient bien à vous démontrer le contraire ! Avec le lancement début mars d’une commission compliance en son sein, afin de réunir des avocats d’expertises diverses, les Lyonnais nous prouvent que la compliance se joue à plusieurs et que les avocats ne comptent pas cirer le banc des remplaçants.

Dignité humaine, harcèlement, discrimination, corruption, impact territorial, pollution, autant de sujets qui engagent la responsabilité des dirigeants et impactent la réputation de l’entreprise ou de la collectivité locale. Ces sujets sont globaux, l’exposition des dirigeants à des comportements hasardeux et donc au risque est réel. Ces sujets portent en eux le risque juridique notamment pénal, mais pas seulement. Le droit social tout comme les Affaires sociales, le droit de l’environnement et les Affaires publiques, le droit de la concurrence et le lobbying, le corporate et l’organisation de la gouvernance sans parler des questions de ressources humaines avec l’adhésion en sont des illustrations. L’émotion provoquée par ces sujets est également une particularité : 90% des scandales et affaires révèlent un problème juridique, avec des ramifications sur des comportements éthiques et de compliance. Ne nous y trompons pas, un défaut de compliance, c’est le bad buzz assuré, ce sont les réputations du dirigeant et de l’entreprise qui sont engagées. En cas de contrôle, en France ou à l’étranger, la première chose que demande une autorité : donnez-nous votre plan de formation et ainsi la compétence acquise, prouvez-nous l’engagement et la diligence des instances dirigeantes… En cas de litiges, avez-vous fait preuve de vigilance au-delà de vos obligations réglementaires ? L’enjeu est fort pour le dirigeant car sa responsabilité est engagée du fait qu’il n’a pas d’outils de prévention. En résumé, quels outils juridiques ont été mis en place pour éviter la survenance du risque. Qu’avez-vous fait pour que cela n’arrive pas ?

La commission compliance

L’idée de créer une commission Compliance s’est imposée naturellement au Barreau de Lyon. Nous avons tenu la première réunion le 1er mars dernier à laquelle une cinquantaine d’avocats du Barreau de Lyon étaient présents, pratiquant différentes matières comme le droit pénal, le droit social, de l’environnement, de la concurrence, de la propriété intellectuelle, de la distribution, des affaires, ou droit public. Des profils de cabinets divers étaient représentés, ce qui démontrent que ce droit de la compliance concerne toutes les entreprises avec notamment un effet de ruissellement donneur d’ordre et fournisseur. Cette participation diversifiée prouve l’intérêt que porte la profession d’avocat aux questions de compliance et d’éthique. Dans le tour de table, de nombreux avocats sont venus parce que la question « éthique » était traitée dans l’entreprise et qu’il était intéressant d’échanger sur les bonnes pratiques, réfléchir sur des implications ou l’impact de certains outils juridiques ou réglementaires.

Notre conviction, l’avocat peut jouer un rôle central dans la compliance et les comportements éthiques

Quoi qu’en pensent certains, la compliance est d’abord un sujet à forte teneur réglementaire, même si ce n’est pas 100% du sujet. À ce titre, les avocats ont toute leur place pour traiter de ce sujet, car ils disposent à la fois de la qualification, de l’expertise du risque, de la connaissance des moyens pour gérer ce risque et par conséquent pour le prévenir grâce à la construction d’outils juridiques. Mais en plus, de par leur déontologie, les avocats ont naturellement une culture de la prévention du conflit d’intérêts, de l’indépendance et du secret professionnel. C’est là que se situe leur singularité.

La compliance est un sport collectif

Toute la difficulté de ce droit de la compliance et de l’éthique réside en sa transversalité :

        Parce qu’il y a des implications pénales et qu’un comportement d’un collaborateur engage la responsabilité des dirigeants et de l’entreprise dans son ensemble,

        Parce qu’il est transversal à la fois dans le droit mais aussi dans l’application. Il s’agit de construire des outils juridiques comme des codes de conduite, chartes éthiques, des institutions de gouvernance comme un comité éthique, ou de mettre en place, par exemple, des cartographies des risques. Il y a ainsi d’autres matières à articuler comme le risk management, l’audit et le contrôle interne, les ressources humaines, la communication et la formation. Nous avons d’ailleurs entamé des discussions et des réunions avec l’interprofession des notaires et des experts-comptables car chacun doit avoir son rôle, travailler en interface, tout en se concentrant sur sa propre expertise et qualification.

L’avocat, l’expert juridique qui traduit la culture éthique de l’entreprise

L’avocat, expert du risque juridique a deux fonctions :

        En amont, il est garant d’un droit « vivant » pour des programmes de conformité effectifs car les autorités de régulation vérifient cette effectivité, elles parlent même de « culture ». L’avocat accompagne ses clients afin de construire ses outils de conformité. Il s’agit de démontrer, d’apporter les preuves que la prévention est effective, que des outils de soft law (code de conduite, règlement intérieur) sont mis en place avec proportion, et effectivité. Le sujet de la compliance est ainsi un sujet de gouvernance, la compliance impose une séparation des pouvoirs, la mise en responsabilité de fonctions pour s’assurer d’une maitrise du risque en interne. Le sujet de la compliance est un sujet social : l’adhésion des équipes au programme, les enquêtes internes à mettre en place avec le rôle du Comité social et économique (CSE). C’est pourquoi la Commission Compliance a pour objet de faire travailler ensemble les avocats intervenants dans différentes matières, afin d’échanger sur les bonnes pratiques et d’être un appui pour chacun des clients. Parce que c’est un « sport collectif », le droit pénal est une matière qui peut avoir par exemple, des implications en droit social.

        En aval, le sujet de la compliance est un sujet de gestion de crise car la responsabilité pénale du dirigeant est engagée et la réputation de l’entreprise systématiquement mise en cause et les lanceurs d’alerte viennent renforcer cette exposition au risque. L’avocat accompagne ses clients dans la gestion des risques contentieux et des litiges administratifs. Or, la compliance a pour particularité de disposer d’un système qui se veut souple, efficace et dissuasif que ce soit en France ou à l’étranger avec l’extraterritorialité. La mise en jeu de responsabilité des dirigeants pour défaut de prévention et des amendes administratives records déstabilisant les entreprises. C’est un droit anglo-saxon en ce sens, dont le système est de favoriser une justice négociée face à une justice régalienne. Cette tendance est forte aujourd’hui en France avec la Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) qui est utilisée en anticorruption et pour la première fois sur un sujet environnemental (pollution d’un cours d’eau).

Ce qu’apporte l’avocat ?

On observe une concurrence forte sur ce domaine de la compliance de la part de professions non réglementées. De son côté, l’avocat et son Ordre apportent des garanties aux clients sur ces sujets très sensibles.

La garantie qu’apporte l’avocat en termes d’indépendance, de prévention des conflits d’intérêts, de délicatesse et de probité est très importante quand on parle de sujets aussi sensibles que la compliance et l’éthique, de la responsabilité personnelle du dirigeant. Il s’agit d’offrir au client une garantie que ses intérêts seront bien portés, avec conviction, avec expertise et qualification. De même qu’être condamné aux assises ne fait pas de vous un criminologue, il ne suffit pas de se prévaloir d’une expérience personnelle au Parquet National Financier ou à l’Agence Française Anti-corruption pour justifier de sa compétence. Apprendre le droit est un long processus. Il ne s’agit pas de dire, d’analyser une disposition indépendamment des autres : le droit c’est une articulation qui est importante et cette articulation doit être aussi comprise au sein de l’entreprise, afin de dégager des solutions. En bref, l’intervention de l’avocat est indispensable : il protège, il donne des garanties sur la protection du client notamment par son ordre professionnel mais il sera efficace à une seule condition : celle de jouer en équipe.

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