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En cette période de déconfinement, ces sujets de fond autour de la crise et de la Compliance sont plus actuels que jamais.

Gilles SABART, avocat en droit de la compliance au sein du Cabinet d’avocat legaldesign, Legal environnement, livre ses secrets d’une bonne gestion de crise aux ‘experts du risque que sont les actuaires avec leur neveu l’Actuariel.

Sur une échelle de trois années, on estime que 50% des multinationales américaines connaissent une crise. La crise est la plus souvent une histoire de dysfonctionnement, celui du processus de décisions en mode dégradé. Or, sous stress, beaucoup d’entreprises ont des difficultés pour réguler la crise. Ces enjeux sont surtout liés à la réputation :

  • Du produit ou du service qui fonde sa stratégie sur la marque, sur le produit qui respecte des règles (très prégnant dans la pharmacie, la banque)
  • Institutionnelle : qui souhaiterait travailler pour un groupe qui ne respecte pas les règles du jeu ; les salariés ne souhaiteraient-ils pas se désengager ?
  • des dirigeants à qui la confiance peut être retirée sans que de solutions puissent être installées ;

C’est ainsi toute la chaîne de valeur qui est touchée. Trois éléments de régulation sont indispensables : évaluer la crise, la prévoir et surtout la prévenir. Ces trois éléments ont tous pour point commun la gouvernance, i.e. la manière de gérer, de réguler la crise.

1 – La gouvernance
Pour gérer une crise, il suffit de s’appuyer sur le sens des responsabilités, sur l’éthique mais il n’empêche que la gestion de crise est une autre affaire tant elle demande de bousculer des habitudes, des modes de fonctionnement en silos, isolés des uns des autres. Ce n’est pas l’affaire d’un individu (qui serait une sorte de Messi) mais c’est bien l’affaire d’un système de gouvernance, de l’exercice d’un Pouvoir organisé dans un mode de fonctionnement spécifique : stressant, inhabituel et pouvant être fatal à l’entreprise.

La crise pousse en effet à la transversalité : de nombreux univers, de nombreux services sont touchés. Un plan social (PSE) touche les salariés mais également les sous-traitants et le territoire. Que dire si le PSE est mal géré : les produits peuvent être boycottés, les employés démotivés, les autorités locales interpellées. Ces impacts démontrent la nécessité de faire intervenir les différents services internes comme le marketing, les affaires sociales et le management RH, la communication, la presse… tous ont leur rôle à jouer et la Direction doit permettre d’apporter une réponse à la crise qui soit appropriée compte tenu des enjeux.

Or, lier la transversalité à la réactivité n’est pas une mince affaire. Les délais liés à  l’organisation et ceux des circuits de commandement peuvent ne pas être compatibles. L’entreprise via sa gouvernance centrale doit organiser une remontée d’informations sécurisée et pertinente. La crise sociale prend un essor considérable quand les salariés et leurs organisations ne savent plus à qui s’adresser. Le retour en arrière sur un accord peut disqualifier l’équipe syndicale signataire et provoquer la prise de pouvoir de personnes qui considèrent la lutte comme le seul moyen de faire avancer les choses. La crise environnementale s’alimente par des dysfonctionnements: oublis, procédure d’alerte mal communiquée, fuite des responsabilités… autant de choses qui viennent à leur tour nourrir la crise.

C’est bien dans l’organisation des Pouvoir qu’il faut s’appuyer. C’est ce l’on appelle la gouvernance que de nombreuses réglementations, de chartes viennent sécuriser.

Agir pendant la crise est un acte de gouvernance fort. Or, nous ne disposons pas le plus souvent des bons outils : l’information, les relais, la crédibilité parfois, le manque de transversalité. Sur le terrain, le manager doit alors s’atteler à réguler, à gérer la crise, à lutter contre les contraintes comme l’irrationalité, remettre du sens entre différentes facettes pour agir. Ce mode inhabituel de l’action est complexe mais il dispose de trois outils : l’évaluation pour déterminer le degré d’interventionnisme, la préparation de la réaction afin de décider avec justesse en suivant le meilleur timing mais surtout la prévention pour éviter d’être en crise.

1- Le premier acte de régulation est l’évaluation de la crise

La première réaction à une crise est le plus souvent de ne pas réagir… qui peut être une stratégie de gestion de crise. Face aux médias, ne pas réagir est une tactique : on a coutume de dire qu’une information en chasse une autre au bout de 48h. Elle présente toutefois le désavantage de se positionner sur un champ négatif à l’occasion de la prochaine crise. En revanche, la tactique de « l’Autruche » est la pire car elle empêche l’évaluation de la crise : la gouvernance se trouve isolée, elle ne dispose pas des bonnes informations pour pouvoir agir.

2  – Le second acte de gouvernance est de prévoir la crise

Mettre en place une procédure est une solution. Pourtant, la procédure, comme toute réglementation, a ses limites. Trop précise, elle limite le sens de l’initiative et des responsabilités. Trop large, elle ne canalise pas les mauvaises réactions. Or, dans une crise, la prise d’initiative est importante : une crise environnementale peut vite dégénérer car il faut attendre les pompiers, puis leurs supérieurs… comment l’employé peut réagir s’il doit prendre une décision alors qu’il ne respecte pas la procédure à la lettre ?

3 – Outre prévoir, le troisième acte de gouvernance, le plus important, est de prévenir la crise.

Elle nécessite des qualités mais également des outils vertueux : La crise nécessite de la flexibilité et de la diplomatie : de nombreuses entreprises se situent d’emblée dans le champ du contentieux en envoyant le dossier vers l’avocat. Le prisme juridique est insuffisant d’autres champs voire univers interfèrent : il faut un chef d’orchestre des services internes et des interactions externes leur procurant à la fois un rôle précis et une idée directrice.

Or, il aura construit les « actifs » pour prévenir : il se donne les moyens de sa crédibilité vis-à-vis des interlocuteurs internes et externes – à l’inverse ne pas les connaître, puis les ignorer provoque de façon automatique en cas de crise des sur-réactions. Une sorte de « issue manager », il aura également mis en place les outils vertueux comme l’ancrage territorial : travailler des scénarios avec les pompiers, s’investir dans l’insertion (pour se procurer une culture RSE et éviter les discriminations) en sont deux exemples. Tout comme connaître les analystes financiers, être capable de leur parler au bon moment avec crédibilité avant la crise. Comme on dit en relations publiques : « n’attends pas d’avoir besoin d’un ami pour t’en faire un ami ». Cette stratégie de la réputation protège de la crise car elle vous sort du champ d’exposition : « ce n’est pas possible, pas eux »

Ces outils de prévention seront d’autant plus utiles en cas de crise qu’ils permettront de confirmer ses valeurs, socle de fonctionnement de son entreprise.

Crise et actuariat : que pouvons-nous prévoir ?

La crise, qu’elle soit environnementale, sociale, sociétale semble ne pas concerner l’actuaire qui lui gère un risque. Or, la crise est l’occurrence du risque, c’est un risque mal géré, mal régulé par la gouvernance, par les choix de l’instant.

L’actuaire, lui-même peut se retrouver dans le champ de la crise, et notamment dans les interfaces de l’actuariat dans l’entreprise. Elles se situent dans la capacité de répondre avec maîtrise aux nombreuses demandes par exemple des analystes financiers sur les engagements de retraite. Ne pas y répondre conduit à une perte de confiance. Y répondre sur des expositions aux risques environnementaux (pollution…), sociaux (sur des engagements de prestations sociales pouvant créer des conflits), sur des risques financiers renforce la ligne de crédit de confiance. Il s’agira non seulement d’être dans son champ d’expertise démontrant que l’on peut vous faire confiance car il sera démontré que vous maîtrisez le dossier dans sa globalité et donc de prouver que l’on peut vous faire confiance quand tout va mal.